Hommage

Michel s'en est allé...

Pour m'avoir croisé avec lui à maintes reprises au bord du canal, certains se souviendront sans aucun doute de cette barbe blanche, cet air de savant comme dans les albums de Tintin, cette foulée nerveuse, ces cuisses solides. J'ai partagé des centaines de kilomètres avec Michel au bord du canal du midi, dans les coteaux... Nous avons refait le monde des milliers de fois.

Michel Festou était planétologue. Un planétologue internationalement réputé. Chercheur au CNRS, travaillant à l'observatoire Midi-Pyrénées, c'est une passion qui nous réunit un jour. Celle de la course, celle de ce geste, celle des foulées milles fois répétées. Personnage complexe, tantôt écorché vif, tantôt apaisé, Michel est un polémiste né, un ferrailleur du mot juste. C'est un personnage attachant et soucieux du bien être de ceux qu'il apprécie.

Nous partagions l'amour de la course pour l'avoir découverte en même temps, en 1975. Lui approche alors de la trentaine, moi j'ai 8 ans. Par le biais de mon père, je découvre un mouvement mi philosophique mi sportif, le mouvement Spiridon (du nom d'une petite revue bimestrielle), qui voit se développer une approche ludique et humaniste de la course. Ces "hyppies coureurs" lancent de grandes courses aujourd'hui encore références de ce sport. Michel a toujours des contacts avec des figures emblématiques de cette époque tant côté français qu'américain. Je pense à Jean Le Potier, Yves Seigneric, Noel Tamini... De temps en temps, Michel ressortait sa collection de Spiridon et nous feuilletions ensemble avec un brin de nostalgie ce petit journal N&B à la couverture barée du nom "Spiridon" d'un bel orange. Nous parlions des premières courses de 100km, de Alexis Martinet grand spécialiste de ce type d'épreuve et bête noire/référence de Michel qui ne pouvait que s'approcher de ses performances.

La passion de la course nous réunissait même si nous ne la pratiquions pas de la même façon. Michel était de ceux qui mesurent TOUT, chronomètrent TOUT, stoppant sa montre au moindre arrêt lacet ou pipi. Statisticien de la course hors pair, il a mis en équations de nombreuses formules pour évaluer les performances et il contribue à la mise à jour d'une incroyable base de données des marathoniens. Il dévore la course avec une incroyable passion.

Certains jours, Michel est d'humeur chagrine. Il peut alors être difficile, trouvant à redire sur tout. Cela devient un petit jeu, j'accélère légèrement, l'amenant à sa limité d'aisance respiratoire. Le silence se fait alors et ne reste plus que le plaisir de partager ce moment de course. D'autres fois, il ne peut s'empêcher de mesurer le temps mis pour l'ascension des cotes, calibrant, intercomparant ses performances passées, futures, les miennes aussi.
Toujours, il savait entendre mes craintes, mes peines m'aidant en toutes occasions.

Michel nous a quitté hier après deux mois de combat. Je l'aimais beaucoup.
Le canal du midi a perdu l'un de ses plus fidèles coureurs. Nous avons perdu infiniment plus qu'un compagnon de course.

Colomiers, le 12 mai 2005,

Vincent

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