Millau, ô sole Millau & Bafouille
Billet d'amour (pour Millau)
Une fois l'an, Millau fait vibrer les coeurs au rythme de milliers de foulées. Millau est le théâtre intemporel de comédies, de tragédies exacerbées par la rudesse de sa réalité. Des jambes, des corps, des têtes, des cours face à eux-mêmes et qui cherchent au plus profond une raison pour continuer, pour revenir. Une passion, une histoire d'amour mille fois partagée. La vie, une vie courue... en une journée.
Les instants de cette journée, j'en connais le prix. J'en connais le goût. Je m'empreigne de leur saveur unique, faite de simplicité, de don de soi, d'amitié, de partage. Cette saveur douce se mélange à merveille à l'autre vie, la vraie, gommant pour un temps ses aigreurs. Je suis riche de tout cela, riche de ces moments millavois, riche d'un trésor qui ne s'achète pas.
Riche de cette émotion du départ, de ces milliers de mains qui frappent pour se donner du courage. Riche de ces paysages du causse dont on devine la rudesse. Riche des sourires de tous ces gens qui nous préparent chaque année cette fête. Riche de cette histoire, des ces photos en noir et blanc que je retrouve avec un plaisir teinté de nostalgie. Mon enfance...
Encore gamin, j'aimais apercevoir Cottereau, Bellocq, Brengues et toutes mes idoles. J'aimais la bonne humeur de Stéphanie Mazoin et son « ça va, ça va » souriant qui venait en écho de mes encouragements. J'aimais ces « cent bornards », cette admiration que j'avais pour eux. J'aimais que mon père me raconte. J'aimais mes pèlerinages en ces lieux si souvent rêvés : Saint-Rome, Saint-Georges, Le Rozier, Saint-Affrique...
J'aime ce 100 kilomètres parce que c'est Millau. Millau n'est semblable à aucune autre course : la foule qui se presse pour la conquérir, son parcours d'une grande difficulté, ses hauts lieux, cet aller-retour qui invite au partage en renforçant ce sentiment de grande humanité. Un partage simple d'une chose pourtant si difficile à expliquer... Un sentiment qui vous redonne confiance en l'Homme. Confiance en son esprit, confiance en ses possibilités tant est grande votre fierté d'en être venu à bout. Cette épreuve nous met en danger, fragilise nos corps et met nos âmes à nu. Pourtant, il n'y a rien à gagner, nous y sommes tous égaux et même plus... C'est écrit sur les mairies des villages que l'on traverse. Alors oui, je l'avoue, j'aime aussi l'effervescence du départ et le silence qui se fait plus tard. Le bruit des souffles. Le martèlement des pieds. J'aime les « allez, allez », les « bravo », les « courage » de mes compagnons de fortune que je vais tous croiser sur la route de Saint-Affrique. J'aime ces visages, ces sourires, ces allures que je finis par reconnaître. J'aime ces éclats de voix, ces lumières dans la nuit, ces morceaux de vie que je vole. Ce soleil qui inonde les vallées et fait brûler le rocher au cour de la mi-course. Cette pluie qui lave les espoirs les plus fous, les envoyant ruisseler dans les fossés en pente de Raujolles et Saint-Georges. Cette lune qui détache les ombres feutrées sur l'Everest de Tiergues.
Je reviens à Millau pour tout cela. Parce que cette course me rend vivant autrement. Parce que cette course nous rend tous si crûment et authentiquement humains.
Colomiers,automne 2005
Paru in-extenso dansRunning-Attitude n°52 de décembre 2005
Vincent
Retrouvez également ma passion pour les 100km de Millau sur :
- Ma page de départ sur Millau ici,
- Ma participation à Millau 1994 dans un texte musical, c'est ici,
- Ma participation 2003, c'est ici,
- Ma participation 2004, c'est ici,
- Ma participation 2006, c'est ici,
- Mon billet d'amour, c'est ici,
- Le parcours en long, en long et en long, c'est ici,
- La page consacrée à Millau chez Bruno Heubi, c'est ici,
- Un article sur la préparation de Millau co-écrit avec Bruno Heubi, c'est ici,
- Le site officiel de la course, c'est ici.
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